C’est une de ces soirées où je peux prendre un bain, car je n’ai pas à me laver les cheveux. Je suis excitée de pouvoir m’installer dans l’eau trop chaude pour entamer le roman The Hate U Give d’Angie Thomas. Une fois l’eau coulée, j’embarque dans mon bain et je tourne la première page…

Starr Carter, seize ans, accompagne son amie Kenya à une fête. Sur place, pratiquement personne ne la connaît, sauf Khalil, son ami d’enfance. Leurs retrouvailles sont de courte durée lorsque des coups de feu éclatent. Les deux adolescents réussissent à s’enfuir, mais le signal d’une police se fait entendre peu de temps après avoir quitté la fête en voiture. Ils doivent se ranger. Le policier s’approche, fait sortir Khalil et au moindre mouvement: BANG!

Dans mon bain, la chair de poule envahit mes bras et ma nuque même si mon eau est encore chaude. J’ai le cœur serré, les yeux écarquillés qui parcourent les pages, la bouche semi-entrouverte de stupeur. Je viens d’être témoin de la mort de Khalil. L’injustice est imprégnée dans chaque mot, la frustration et le dégoût me gèle sur place. Je finis par déposer le livre, l’eau est devenue froide, le signal pour que je me lave enfin, mais une chose tourne sans cesse dans ma tête: je ne vivrai jamais une telle expérience de peur et de violence face à la police, car je suis Blanche.

À ce sujet, j’ai tendance à imaginer tous les personnages comme Blancs jusqu’à preuve du contraire lorsque je lis un livre. Pour contrer cette tendance de certains lecteurs comme moi, l’autrice identifie toujours la couleur de la peau de ses personnages. De cette manière, elle devient impossible à ne pas prendre en compte lors de leurs interactions. Ça m’a vite fait réaliser que l’on consomme souvent des livres écrits par des personnes blanches pour qui les enjeux raciaux n’ont pas la même portée. Pourtant, la couleur de la peau affecte les dynamiques sociales au quotidien et se doit d’être considérée par tous. Mon petit grain de sel!

Un autre aspect de ce roman qui m’a marqué est la crédibilité des personnages. Nuancés et attachants, ils sont tous bien approfondis et multidimensionnels. Rien ne verse dans la superficialité ou dans les clichés. Bien au contraire, l’autrice donne un maximum de réalisme à ses personnages et à leur vécu pour faire prendre conscience au lecteur que cette histoire n’arrive pas que dans les livres.

En fait, tout dans ce livre est politique et soulève des questions sur plusieurs enjeux liés au racisme. Thomas réussit à aborder de main de maître des sujets complexes et sensibles comme le profilage racial, son traitement médiatique, les failles du système judiciaire, les micro-agressions et la vie dans les quartiers noirs dominés par des gangs de rues.

Pour cette raison, j’ai parfois trouvé ma lecture confrontante. Il faut se faire bousculer pour mieux s’ouvrir à une réalité qu’on risque de vivre qu’à travers les yeux de personnages forts comme Starr Carter et sa famille. The Hate U Give m’a prouvé que ce n’est pas qu’en lisant des essais qu’on peut en apprendre plus sur des réalités différentes de la nôtre. La fiction a aussi ce pouvoir de nous plonger dans la vie des autres et d’exercer notre empathie dans un monde où on en a grand besoin.

La lecture de cet ouvrage m’a également permis de faire des liens avec plusieurs contenus que j’ai consommés récemment. En voici quelques-uns si vous êtes intéressés à explorer davantage les questions raciales:

Baladodiffusion

Woke or Whateva (l’épisode Race class 101 particulièrement)
Kiffe ta race (l’épisode #07 – Les Blancs ont-ils une couleur? et #13 – Comment être un.e bon.ne allié.e? particulièrement)
Where We At (nouveau balado en français par deux Montréalaises)
1619 (balado documentaire produit par The New York Times)

Documentaire

Briser le code (n’oubliez pas d’écouter également les petites capsules associées!)

Essais

The Fire Next Door de James Baldwin (aussi disponible en français)
Policing Black Lives: State Violence in Canada From Slavery to the Present de Robyn Maynard (en cours de lecture, aussi disponible en français)
Why I’m No Longer Talking To White People About Race de Reni Eddo-Lodge (aussi disponible en français)
How to Be an Antiracist par Ibram X. Kendi

Romans

Girl, Woman, Other de Bernardine Evaristo
Queenie de Candice Carty-Williams

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