Ton absence m'appartient

Rose-Aimée Automne T. Morin n’a pas eu une enfance ordinaire. Vivant avec un père mourant depuis l’âge de 2 ans, elle attend son départ à tout moment. C’est finalement 14 ans plus tard qu’il décède, laissant sa fille avec un héritage complexe. Son essai personnel Ton absence m’appartient aborde cette tranche de vie de l’autrice qui la hante encore aujourd’hui.

Je suis Rose-Aimée depuis quelques années déjà à travers son travail chez URBANIA et ses présences à la radio. J’aime son regard sur les choses, comment elle aborde des sujets lourds, légers, mais toujours importants. Elle sait mettre les mots et la lumière sur des réalités insoupçonnées en utilisant sa lunette féministe. Elle réussit à m’épater à chaque fois!

Bien sûr, avec ses chroniques et ses projets, on apprend un peu à la connaître, mais c’est vraiment avec son livre Ton absence m’appartient qu’elle se dévoile davantage et montre un côté plus vulnérable d’elle-même. On découvre alors une femme au passé hors norme qui tente de combattre ses démons ou, du moins, de les apprivoiser.

Ne laissant pas ses talents de journaliste de côté, elle décide également de donner la parole à six autres personnes qui, comme elle, ont grandi dans l’urgence. Portraits sentis et sans retenue, ils sont rendus élégamment par l’autrice et nous font découvrir des vies que l’on n’oserait même pas imaginer.

Celui qui m’a le plus marqué est le portrait de Samara et Sarah. En 1999, l’école Mathieu-Martin à Dieppe, Nouveau-Brunswick, a été frappée par une vague de suicide. Un climat étrange et malsain s’est installé entre les murs de l’établissement et les élèves sentaient le spectre du suicide se rapprocher. Samara et Sarah étaient là en 1999 et elles ont vécu de près cette période sombre de l’école.

Maintenant que tu sais que je t’aime, tu n’as pas le droit de t’en aller. – Sarah

Dès les premières lignes de leurs témoignages, j’étais accroché à chaque mot, car deux de mes cousines ont fréquenté Mathieu-Martin. Heureusement, c’était après ces événements tragiques, mais les références étant près de moi et de ma famille, je n’ai pu qu’être émue et particulièrement touché par ce double portrait rendu par Rose-Aimée.

À chaque entrevue, la voix de Rose-Aimée reste active. Elle est présente et nous rend compte de ses pensées au fur et à mesure de l’entretien. Cela pourrait en déranger certains, mais de mon côté, j’ai particulièrement aimé ce détail. L’utilisation de ce procédé permettait de suivre le cheminement de l’autrice dans sa quête de sens et de voir plus clairement les liens entre son histoire et celles de ses interlocuteurs.

On ne ressort pas de cette lecture avec des réponses. Malgré ce travail sur elle-même et ces rencontres, Rose-Aimée ne parvient pas à clore tout à fait ce chapitre de sa vie. Par contre, deux options s’offrent à elle: cacher le vide ou s’approprier l’absence de son père. Je vous laisse deviner ce qu’elle a choisi.

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